Inauguration du terrain d'Arrachart le 9 mai 1935
C’est le 4 juin 1931 que, pour la première fois, un avion s’élève au-dessus de la capitale du Nord.
Cet évènement est relaté en quelques lignes, et en page 2, dans la Gazette du Nord de Madagascar du 13 juin 1931. On aurait attendu un gros titre en première page pour cette nouvelle. Peut-être les Antsiranais étaient-ils vexés de ne pas avoir « leur » avion alors que des liaisons avaient été établies avec d’autres villes importantes de l’Ile. Mais Diego Suarez était bien loin de la capitale et l’autonomie de vol des engins de l’époque très limitée...Et puis, cet avion était un peu venu là par raccroc. Qu’on en juge :
« Notre ville a eu pour la première fois la vue d’un vol d’aéroplane le jeudi 4 courant. L’aviateur Lefèvre, l’as du raid de l’Atlantique, de passage sur la « Ville d’Arras », a eu la bonne idée de débarquer son appareil, un avion de tourisme Potez 95 chevaux, et a donné le baptême de l’air à plusieurs antsiranais et antsiranaises.
Voici les noms des nouveaux baptisés: MMmes Gache et Angot, Melle Grammaire, MM.Mougin, Grammaire père, Simon Artéro, Noca, JulienVierne, Chopra L.I., Alibay Taïbjy, Grammaire Louis et Georges Spyliopoulos.
Tous ont été très satisfaits de leur vol et ont eu une impression de sécurité absolue. Un seul point noir, c’est que le terrain d’atterrissage est d’abord beaucoup trop loin, et n’est pas installé pour recevoir des appareils. Un petit accident sans importance d’ailleurs (le train d’atterrissage ayant buté sur une grosse pierre) a prouvé que le terrain était ce qu’il y a de plus rudimentaire ».
Les antsiranais durent donc attendre pour voir un avion se poser sur un terrain d’aviation, puisque leur premier avion était venu ...par bateau.
Mais les choses vont aller assez vite.
En septembre 1931, le gouverneur Général annonce au Chef de Région de Diego Suarez l’inauguration de la ligne aérienne Majunga-Diego Suarez.
Mais c’est le 20 octobre 1931 que la première liaison aérienne est établie entre Tananarive et Diego Suarez par des avions militaires comme le relate la Gazette du Nord du 24 octobre:
« Le 20 octobre, date prévue, deux avions militaires ont atterri, malgré une forte mousson, au champ d’aviation de notre ville, assurant ainsi la liaison aérienne de Tananarive-Diego Suarez.
Les aviateurs ont été reçus par la Municipalité...
Ils sont repartis vendredi à 9 heures emportant la poste pour Ambanja, Marovoay,Tananarive.
La Gazette leur adresse ses sincères félicitations, et espère que l’on ne restera pas à ce premier et concluant essai. »
Le camp d’aviation
En 1931 Diego Suarez ne possédait pas un terrain d’atterrissage digne de ce nom, ce qui était assez normal puisqu’aucun avion ne s’y était encore posé!
Le Gouverneur Cayla, passionné d’aviation, avait proclamé lors de sa visite à Diego Suarez en juillet: « Si le terrain d’atterrissage avait été prêt plus tôt, j’aurais profité de la présence de l’aviateur Goulette pour m’y rendre...Cela m’aurait permis d’être parmi vous à une époque antérieure et vous auriez ainsi été à même de vous rendre compte des services que l’aviation peut rendre à Madagascar ».
Devenu « camp d’aviation », le terrain de Diego Suarez est cependant réservé aux militaires.
Le 5 août 1932, 3 avions militaires emportant du courrier atterrissent à Diego Suarez pour participer à des manoeuvres de tir au canon: ils sont accueillis avec enthousiasme par la population qui donnera une soirée dansante en leur honneur.
Le 15 octobre 1934, c’est le célèbre aviateur Percy Mayer qui, venant de Tananarive, réalise la première liaison postale Diego Suarez-Vohémar dans son avion Gaudron à moteur Renault 95HP en « moins d’une heure et demie ». Bel exploit qui sera salué dans la presse locale.
Autre pionnier de l’aviation, Assolant, qui avait créé une compagnie de taxi aérien, doit, en mars 1935, atterrir à Anivorano avec ses passagers se rendant à Diego Suarez, en raison du décret du 8 juillet 1931... qui interdit le survol de la région Nord en avion pour des motifs de défense nationale!
L’inauguration
Enfin, en 1935, le Gouverneur général annonce, dans un télégramme officiel, qu’il profitera de sa tournée avec une escadrille de 5 avions militaires pour inaugurer le portique d’Arrachart le 9 mai à 8h15.
Après une escale à Ambilobe, le Gouverneur arrive très tôt à Diego Suarez: « A 6h30 les avions étaient signalés et bientôt ils passaient au-dessus du Camp pour aller survoler la ville. A 7 heures, l’atterrissage, rendu délicat par la mousson était terminé sans incident, les 5 Potez avaient chacun pris leur place d’une façon impeccable ».
Les officiel entrent sur le terrain d'Arrachart
L’inauguration du portique (offert par la Chambre de Commerce) eut lieu à 16h30. Les discours prononcés par M.Giuliani, Vice-Président de la Chambre de Commerce, puis par le Capitaine Dire, commandant de l’air à Madagascar et ami du Capitaine Arrachart, enfin par le Gouverneur, insistèrent sur la carrière glorieuse du pionnier de l’aviation qui donnait son nom au Camp de Diego Suarez.
M.Giuliani en profita cependant pour déplorer que le Camp d’Aviation de Diego Suarez soit réservé aux militaires et pour demander qu’un service régulier d’avions permette d’acheminer le courrier sur Tananarive et Majunga.
Dans sa réponse très diplomatique le Gouverneur Cayla omit de répondre à ces doléances et, de fait, le terrain d’Arrachart resta militaire.
Quant au courrier, il fallut attendre le 16 décembre 1935 pour qu’une liaison aérienne postale soit établie. « Chaque lundi vers 10 heures, l’avion postal Tananarive, Majunga, Diego Suarez nous apportera le courrier de l’intérieur et les correspondances avion de France...Il parachutera en cours de vol du courrier à Nossi-Be, Ambanja, Ambilobe et Anivorano »(Gazette du Nord).
Mais ce service postal hebdomadaire, mis en place à titre d’essai, se fait ...par avion militaire.
Il faut attendre 1939 pour qu’un arrêté fixe la liste des terrains d’aviation civile. Mais, avec la guerre, l’autorité militaire reprend le contrôle des lignes aériennes... qui retournent à l’autorité civile après l’armistice.
En 1941,un autre arrêté fixe les tarifs à appliquer sur les lignes aériennes: le vol Tananarive-Diego Suarez coûtera alors 2335F (soit à peu près 700 euros): nous voyons que ce n’était pas à la portée de toutes les bourses!
Mai 1942 : le ciel de Diego Suarez s’embrase !
Alors que rien ne le laissait prévoir, que Madagascar se croyait en marge du conflit mondial, un déluge de feu va s’abattre sur le Nord le 5 mai 1942 avec l’attaque anglaise sur Diego Suarez.
Le 5 mai, à 3h45, à partir du Porte-avions Illustrious 3 formations de 6 « Swordfish » attaquent le port de Diego Suarez, torpillant notamment l’aviso D’Entrecasteaux et le sous-marin Béveziers.
Épave sur le terrain d’Arachart en 1942
Dans le même temps l’aérodrome d’Arrachart , qui abritait le Groupe Aérien Mixte,est attaqué par les chasseurs et les bombardiers anglais du Porte-avions L’Indomitable : les avions au sol (7 Morane MS406 et 2 Potez 63-11) sont détruits ou endommagés ; 3 Potez 63.11 sont abattus en combat aérien par le 881st Squadron.
Les forces aériennes de Diego Suarez anéanties, c’est à partir d’Ivato que va s’organiser la riposte. Les 8 MS 406 de l’escadrille d’Ivato tentent de gagner Anivorano mais, faute d’essence, 5 appareils doivent se poser en urgence. Rejoints par les rescapés d’Arrachart , ils organisent la défense.
Deux MS406 mitraillent les plages du débarquement anglais tandis que les Albacore et les Swordfish britanniques bombardent les défenses terrestres de la ville.
C’est le 7 mai 1942 qu’a lieu le seul combat aérien dans le ciel malgache.
Dès l’aube, trois Morane MS 406 de l’Escadrille d’Ivato, sous la direction du Capitaine Léoneti sont partis en mission de reconnaissance.
A Diego Suarez, une patrouille de Martlet britanniques du porte-avions Illustrious est à la recherche des équipages de 5 Swordfish portés disparus.
L'épave du Morane-Saulnier 406 du Lieutenant Laurant
Les deux formations se rencontrent au-dessus de la mer. L’attaque est frontale: le Capitaine Léonetti touche un des Martlet mais le reste de la formation intervient . Les Morane finissent par succomber. Le Capitaine Léoneti , blessé, peut sauter en parachute; l’avion du lieutenant Laurant s’écrase au sol mais son pilote est indemne. Quant au Capitaine Assolant, il trouvera la mort dans cet affontement.
Porté disparu, son corps carbonisé ne sera retrouvé que 5 mois plus tard à Antshampano dans les restes de son Morane.
Le même jour 3 Potez 63-11 sont interceptés par des Martlet anglais: 2 sont abattus, le 3ème réussit à s’échapper.
Soumise aux bombardements des navires de la Royal Navy et à la percée des troupes britanniques, les autorité françaises durent capituler.
En fait, les forces aériennes françaises, disposant d’un nombre réduit d’appareils, souvent obsolètes et aux équipages peu entraînés, n’avaient aucune chance de pouvoir résister aux forces britanniques, disposant de 30 appareils sur l’Illustrious et de 42 sur l’Indomitable.
Les Français évacuèrent l’aérodrome d’Arrachart où 2 MS 406 hors d’usage furent incendiés.
Les 12 et 13 mai les Britanniques installèrent à Arrachart le Squadron 20 de la South African Air Force d’où ils menèrent des actions de reconnaissance.
Le 29 mai, un hydravion démontable japonais, le Yokosuka E14Y1 survola la rade. Les britanniques ne parvinrent pas à le repérer. En fait, l’appareil opérait depuis le sous-marin I-10. Le lendemain, deux navires dont le cuirassé Ramillies étaient torpillés par les sous-marins de poche japonais.
Les britanniques mèneront ensuite quelques opérations à partir de Diego Suarez, jusqu’à la prise de Tananarive.
L’armistice est signé par le Gouverneur Annet le 6 novembre 1942. Les aviateurs de Madagascar survivants choisiront dans l’ensemble de rejoindre l’Escadrille Normandie-Niemen .
Les troupes anglaises maintiendront une présence à Madagascar jusqu’en 1946.
Après la guerre
En 1945 le trafic aérien reprend avec Air France qui desservira les lignes intérieures. En effet, il n’existe plus alors que deux lignes militaires: l’une vers Diego Suarez via Majunga, l’autre vers Fort-Dauphin par Tuléar.
L’ère du transport aérien civil a commencé.
De nos jours : les hangars à l'abandon
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